Vendredi 25 aout 9h, départ de Piau. Après une descente de 800m, j'attaque une montée de 4.9 km pour 770m de D+ pour arriver au sommet de Piau à 2 526m d'altitude. Dur le départ, je pars sur un bon rythme sans jamais me mettre dans le rouge. La balade est encore longue. Je me retrouve rapidement
seul. Je récupère Patrick au 1er ravitaillement (retour sur la station de Piau).
Pas pour longtemps. Il me lâche rapidement dans la 2ème ascension vers le port de Gambiel - 500m de D+ sur 3 km pour arriver à 2 596m d'altitude avec un passage neigeux sur 50m. Je monte à mon rythme et m'émerveille des paysages. Je m'arrête même plusieurs fois pour faire des photos. Au sommet, c'est tellement beau que je m'attarde 5mn pour contempler le site.
Nous attaquons alors 10 km de descente pour 1 600m de D-. Au bout de 8km les cuisses commencent à piquer et j'arrive au ravito de
Gèdre avec des crampes en haut de la cuisse droite. Je ne suis qu'au 25ème km. Le moral en prend un petit coup, il me reste encore 100 bornes à faire. Je retrouve Maryvonne, Eric et Manu qui par leurs messages me reboostent. Je me restaure un peu et repars avec mon Phiphi. J'ai oublié d'envoyer un message à mes proches pour les rassurer. Je m'arrête pour envoyer un sms et demande à mon compagnon de ne pas m'attendre. Je repars et croise Kiki - abandon - son pied blessé l'a laché - Merda ! Je suis deçu pour lui mais je
me remets rapidement dans la course. La douleur à la cuisse est passée au bout de 2 km et je me fixe d'arriver à Gavarnie avec 2h d'avance sur la barrière horaire. Quelle beauté ce cirque avec ses grandes cascades. Un décor à couper le souffle. J'arrive dans la ville avec 1h56mn d'avance. Manu, Kiki et Maryvonne sont là pour nous encourager. Cela fait énormément de bien. Je prends une petite soupe locale et des pâtes, le plein d'eau et je repars avec Pascal. Nous montons ensemble jusqu'à Hourquette d'Alans (2 430 m d'altitude - 960 m de D+ en 10 km). La montée est compliquée et je gère chacun de mes pas. Nous croisons de somptueux chevaux noirs de Mérens aucunement effrayés par tous ces coureurs et randonneurs.
Le retour sur Gèdre se fait de nuit. Je suis à mi-parcours avec un peu plus de 2h d'avance sur la barrière horaire. Bonne surprise - je
croyais être à la ramasse. Cette fois ci, pas d'accueil, il fait nuit et je n'ai qu'une obsession atteindre la base de vie à Luz Saint Sauveur. Je repars donc assez rapidement en oubliant Pascal persuadé qu'il est devant moi. Je passe rapidement Phiphi qui se couvre chaudement et après 4h d'effort j'atteinds Luz - il est 3h22. Premier objectif - récupérer rapidement mon 2ème sac. Je recharge ma frontale et commence à me changer. Je fouille partout, grosse boulette, j'ai oublié de prendre une seconde paire de chaussettes. Je quitte celles que j'ai, les étend pour les sécher. Je me lave les pieds et vais voir les podologues pour des soins - une grosse ampoule s'est ouverte sous mon pied droit. Un jeune homme à la carrure de rugbyman bichonne mes petons - il en profite également pour traiter mon pied gauche qui commence à cloquer. Je suis arrêté depuis 50mn. Je pars me restaurer et aperçoit Pierre H qui fait de même. J'essaye de me reposer 20mn - impossible. Je repars donc seul après 1h30 d'arrêt avec les pieds guéris mais sans avoir pu dormir (cela fait 19h50 que je suis parti).Je n'ai plus que 1h25 d'avance sur la dernière barrière horaire.
La reprise est difficile - 940 D+ en 8km jusqu'au prochain ravito. J'y arrive de jour au bout de 2h45. Une petite cabane avec 2 dames et un monsieur très gentils nous y accueillent. Je prends un café, m'étire les jambes pendant 5mn et je repars. Le sommet du Sarrat de Largues n'est qu'à 4km mais avec 600m de D+. En repartant de la cabane, se dresse une mer de rochers sur 300m - mais qui c'est le con qui les a déversé ! Son franchissement m'est difficile avec mes chevilles de verre. Je suis extrêmement prudent. Après ce passage périlleux, je monte à un petit rythme tellement le pourcentage est important et les rochers de plus en plus nombreux. En haut je ne m'attarde pas. Plusieurs traileurs exténués
reprennent leur souffle. Je vois le prochain ravito du sommet et me force à l'atteindre sans
m'arrêter. Ce refuge de la Glere est le bienvenu. Je m'installe sur un banc- me restaure face à un lac de montagne et je contemple la vue. J'y retrouve Pierre H installé depuis peu. Je repars au bout de 10 mn pour descendre jusqu'à Tournaboup (station de ski). Le soleil tape fort,il fait très chaud. Il est 11h45 et je me retrouve à ce ravito au 94ème km avec Pierre H, Phiphi et Pascal avec 2h15 d'avance. J'ai gagné du temps et repars seul le moral reboosté.
Nous sommes déroutés du col de Barèges (plainte déposée par une association locale) pour accéder à un col à la même altitude 2 460m dont j'ai oublié le nom - l'ascension est compliquée avec la chaleur. Je gère chacun de mes pas. Mes ampoules se sont rouvertes sous les 2 pieds et il me reste 25km à parcourir. Je serre les dents et je me fixe des objectifs visuels - un arbre au loin, un lac, une cabane...Je suis focus sur cette routine perso. Arrivé au sommet sous un ciel très dégagé, je me pose 5mn et contemple les lacs en contrebas. J'aperçois même 2 vautours d'une envergure impressionnante qui planent majestueusement dans les airs. Personne de mes compagnons d'infortune ne les ayant vus, je me pose encore aujourd'hui la question : " Les ai je réellement aperçus ? ". Nous sommes le samedi 25 aout 16h30 et cela fait 31h30 que je suis parti. Je descends vers la cabane de Lude où les coureurs du 80km ne cessent de nous doubler. De vrais cabris domptant la descente pierreuse et piégeuse avec une aisance déconcertante. Clément me double comme une bombe puis Eric un peu plus tard. Le premier
lucide et facile me lance des mots d'encouragement réconfortants. Pour le second un peu plus dans le dur c'est moi qui le félicite de sa performance - malheureusement on se retrouvera un peu plus tard. J'arrive à la cabane de Lude et je m'arrête pour me couvrir. J'échange quelques
mots avec un petit papy local qui m'aide à sortir les affaires de mon sac et à m'habiller. Il me lance "Vous avez pris cher sur le 120, vous êtes plus marqués que ceux du 160". Sur ces mots, je repars et je me dis "je dois avoir une sale gueule".
Dans la montée vers le restaurant Merlans, il commence à faire froid. J'y arrive dans le brouillard et le vent. Je prends une soupe de potirons et m'installe sur une chaise. C'est alors qu'Eric m'accoste et me raconte ces péripéties - grosse entorse avec surement arrachement ligamentaire. Il est strappé et fait un essai pour repartir mais revient rapidement - abandon. Je suis déçu pour lui, il était à rien d'être finisher du GRP 80. J'aperçois ensuite Maxime qui fait une très belle course sur le 80 km. Je discute avec des accompagnateurs qui suivent leur fils également sur le 120km. Je ne vois pas le temps passé et repars au bout de 20mn. Maxime est déjà reparti. Je me suis refroidi et je grelotte sur les 2 derniers km de l'ascencion vers le col de
Portet (2 215m). Il me reste alors 12km de descente à parcourir et le brouillard est bien présent. Je me force à trottiner mais c'est vraiment laborieux. J'installe ma frontale, il est 19h30.
Je me fixe d'arriver à 22h - je sais que c'est fini et que je vais être finisher. Je marche le plus souvent et avec le brouillard, je distingue des formes qui me paraissent énormes. Ceux sont des vaches. J'ai l'impression qu'elles font le double de celles que l'on peut voir dans nos champs poitevins. Je les trouve belles - toutes blanches, le contour des yeux noirs et des énormes cornes. J'ai fait des recherches cette race s'appelle la vache Gasconne. Elles sont au milieu du chemin et ne semblent pas perturber par ma présence. Elles sont imposantes mais elles ne me font pas peur. Je ne fais pas d'écart et je passe au milieu d'elles à la pointe de leur mufle. Je suis seul avec elles, il commence à faire nuit, il y a du brouillard et je suis bien. Aucun problème musculaire - je gère tant bien que mal la douleur des ampoules sous mes pieds. Je souhaite désormais en terminer rapidement. J'attaque alors la descente raide vers Soulan. Mes jambes s'emballent, j'ai peur de m'étaler sur le chemin pierreux et pour m'arrêter je plonge dans les buissons de myrtilles sur ma droite. Je me relève, je n'ai rien. Je repars en marchant jusqu'à Soulans et ne cesse de me freiner pour ne pas prendre de vitesse.
J'arrive alors dans le village et j'attaque en marche rapide la descente par la route vers Vielle Aure. Je me dis " Super ! si c'est que de la route jusqu'à l'arrivée, plus de risque de chutes". Fausse joie, à la sortie du village je prends un chemin large sur ma droite, il descend en lacets jusqu'au prochain pointage. Je reprends confiance et me surprend à trottiner sur certaines portions. J'arrive à Vignec, il reste 1 600m à parcourir et il est 21h53. L'arrivée à 22h n'est plus jouable mais j'y suis. Je commence à courir sur la partie route, mais je reviens rapidement à la marche rapide. 800m - 400m - 200m, ce final est interminable. Je vois au loin une petite bosse et au sommet la foule qui applaudit les coureurs. Fièrement je me remets à courir jusqu'au passage de la ligne d'arrivée. J'ai l'impression qu'ils sont des milliers à m'applaudir et certains scandent mon prénom inscrit sur mon dossard.
Quelle émotion ! Je passe l'arrivée puis je fonds en larmes. Putain, je l'ai fait. Je suis finisher de cette diablesse. Je reprends mes esprits puis m'avance vers une jeune fille qui me passe une médaille autour du cou. J'avance encore on me demande ma taille - M et on me donne une veste de finisher. Je me pose sur un banc, je suis seul parmi les traileurs finisher et je reste là 10mn sans rien faire - la décompression totale. Je suis bien et léger. Le temps de course, je m'en fous, j'ai atteint mon objectif, traversé de somptueux paysages et c'est tout ce qui m'importe.
Je suis finisher de mon premier ultra trail.
Un grand bravo aux bénévoles rencontrés tout au long du we par leur dévouement et gentillesse extrêmes. Un grand merci aux accompagnateurs qui par leur présence et leurs mots d'encouragement ont eu un énorme impact sur mon moral. Bravo également à tous les finishers du we - Repos et soins pour les blessés. Et enfin un petit mot pour mes proches : "Non je ne suis pas fou, je suis simplement amoureux de la nature, des paysages montagnards et par le trail j'assouvis à la fois mon besoin de faire du sport, de ressentir des émotions particulières et de m'émerveiller comme un enfant à la vue de superbes paysages".
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